Édito n°11
QVT : santé ou productivité ?
« Être heureux au travail rend 31% plus productifs et les salariés heureux sont deux fois moins malades, six fois moins absents, neuf fois plus loyaux et 55 % plus créatifs. » À en croire la présidente de la jeune association Happytech (lire notre Débat pages 42-43), la qualité de vie au travail aurait toutes les vertus. À se demander pourquoi cette « QVT » n’est pas encore une valeur universelle du monde de l’entreprise… Entre les séances de yoga pour cadres stressés, les massages assis pour salariés fourbus et les séances de baby-foot sur l’heure du déjeuner, on ne peut plus aborder la question de la SST, sans parler QVT.
Loin d’être nouvelle, cette notion apparaît à la fin des années 60 au sein de la première puissance mondiale, les États-Unis. Et, ce n’est pas un hasard… Dès les années 70, on considère « l’investissement dans le champ des conditions de travail comme un instrument de performance économique ». La notion de QVT, y compris dans sa transcription française, est, depuis l’origine, indissociable de la recherche d’une plus grande productivité. Elle constitue désormais un pan incontournable de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
L’évolution vers un nouveau vocable – dans les discours managériaux on passe aisément des conditions de travail à la qualité de vie au travail – recouvre plus qu’une évolution sémantique, mais bien un changement de politique. Derrière cette nouvelle acception – plus vague, plus subjective – s’efface peu à peu la notion claire et objective de santé au travail au profit d’actions parfois considérées comme cosmétiques.
« La QVT n’a pas vocation à remplacer une démarche de prévention des risques professionnels », nous confie le président de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) (lire notre Entretien, pages 36-37) pour qui l’objectif est de « promouvoir le travail comme facteur de santé ». Pas sûr qu’Henri Salvador aurait été de son avis, lui qui chantait « Le travail c’est la santé, [ne] rien faire c’est la conserver », mais là n’est pas la question…
C’est un fait, les catégories socio-professionnelles favorisées vivent plus longtemps et ce sont bien leurs conditions de travail qui sont en cause. Il ne s’agit naturellement pas de jeter le bébé avec l’eau du bain. Bienvenue aux idées créatives – ce numéro dédié à la QVT vous en offre une belle palette – pourvu que l’on n’abandonne par le spectre de la Santé sécurité au travail !
Nicolas Lefebvre