Édito n°17
Lutter contre ce “mal ordinaire”
« Il faut bien que les couleuvres avalées ressortent », écrit dans son livre « Le monde du travail est devenu fou » le Dr Nicole Dumortier, faisant référence à ces nouveaux maux du monde professionnel dont le burn-out est devenu le symbole. Nous avions suivi fin 2019 ce médecin du travail de la région parisienne, témoin privilégié des mutations du monde professionnel, alors qu’elle finalisait cet ouvrage (lire notre reportage « Docteur en blues », SST Mag n°11, publié en décembre 2019).
Son constat est sans appel : le monde du travail s’est complètement transformé en un quart de siècle. Si l’attention des médecins du travail portait autrefois essentiellement sur les charges lourdes, le bruit, les expositions aux polluants, etc., la violence psychologique occupe aujourd’hui tous les esprits. Moral, sexuel, physique, managérial… le harcèlement prend différentes formes qui parfois se combinent. Et, comme pour les violences conjugales, qui tuent en France – rappelons-le – une femme tous les deux jours, les victimes peinent à se défendre.
A ce titre, le jugement qui a condamné fin 2019 France Télécom, devenu Orange, suite à la vague de suicides intervenus dans l’entreprise, est un véritable coup de semonce pour la santé sécurité au travail. En effet, l’impératif de proximité n’est plus indispensable pour caractériser un harcèlement moral. On parle alors de harcèlement managérial ou systémique. Autrement dit, la victime peut ne pas connaître ses dirigeants mais subir une organisation délétère mise en place par ces dirigeants.
Autre changement notable : la démocratisation des moyens de communication qui conduit parfois à d’autres travers, mais qui, dans le cas présent, peut aider à lutter contre l’omerta dans une structure. Des outils sociaux et technologiques existent. Nous en présentons un exemple avec l’application HeHop (lire rubrique Zoom en page 14). L’autre outil, vous l’avez entre les mains. Informez-vous, formez-vous (notamment pour percevoir à temps les signaux faibles) et transmettez vos connaissances, pour que, demain, ce mal ordinaire n’en soit plus un.
Nicolas Lefebvre