Édito n°9
Travail de nuit : pour un choix éclairé
Le travail de nuit… nuit ! C’est physiologique, nous ne sommes pas faits pour travailler la nuit. Les spécialistes emploieront l’expression barbare de « rythme circadien ». Il ne s’agit pas seulement d’une organisation sociale, mais de l’horloge biologique interne qui influe sur notre métabolisme de façon très concrète, notamment sur notre température, nos hormones, notre comportement pour ne citer que ces exemples. Contrarier ce rythme n’a absolument rien d’anodin, surtout si c’est répété des années durant. Certains recherchent le travail de nuit pour diverses raisons : rémunération supérieure, convivialité accrue, organisation personnelle, etc. Mais, la plupart le subissent. Et, hypertension, troubles de l’humeur, somnolence, isolement social et même développement de cancers font aussi partie du package…
Le législateur limite théoriquement cet exercice à des impératifs de « continuité de l’activité économique » ou à des « services d’utilité sociale ». Si ce dernier point peut s’entendre – difficile de stopper tous les services publics par exemple – le premier se distingue par son caractère ambiguë.
Nous ne traitons pas d’un sujet isolé. 4,3 millions de personnes sont concernées par le travail de nuit ! En 2012, elles n’étaient encore « que » 3,5 millions… Une explosion des plus inquiétantes au regard du consensus médical sur la dangerosité du travail décalé.
Dans l’ère du tout immédiat, il semblerait que nous ne souffrions plus d’attendre le petit matin ou la fin du week-end pour obtenir ce que notre égoïsme social exige. Quitte à générer souffrance et isolement pour une part grandissante de la population. La recherche d’une rentabilité toujours plus forte – et oui les machines arrêtées la nuit constituent une perte sèche pour leurs propriétaires… – explique nécessairement aussi cette explosion. Tout est lié. A coup de matraquage publicitaire, on crée ce besoin de l’immédiateté et donc la nécessité de ne plus stopper le travail…
Nous voici confrontés à un choix de société qu’il faut porter sur la place publique. Encore faut-il informer la population sur ces risques afin que ce choix sur le travail de nuit soit éclairé. Malheureusement, à titre individuel, le taux élevé de chômage conduit à annihiler ce choix et… à broyer du noir.
Pour ceux qui n’auront pas le loisir d’échapper au travail de nuit, vous trouverez dans ce numéro suffisamment de documentation pour aménager ou faire aménager au mieux votre environnement de travail et celui de vos collègues. Un conseil enfin. Malgré tout l’intérêt que vous ne manquerez pas d’y porter, ne terminez pas trop tard la lecture de votre magazine préféré…
Nicolas Lefebvre